Cendres et ruines [PV Wilhelm]

Dans sa tour de pierre, Blanche s'ennuyait. Le pays était dévasté par la guerre déclenchée par le pays voisin, et celui-ci, qui était rentré en conquérant, n'avait encore rien fait pour reconstruire... Ils ignoraient tous, là-bas, qu'un membre de la famille royale légitime était encore vivant, et encore en état de régner. C'est pour cela que la princesse était revenue ici : reconstruire lentement son château natal, reprendre petit à petit les rênes du pouvoir, et, à la fin, provoquer l'insurrection qui inversera les rôles : elle sera reine des deux pays, et le roi et son stupide fils viendront quémander son pardon.

Mais en attendant, il fallait trouver des fonds et un moyen de rallier le peuple à sa cause. Pour ce qui était de la reconstruction du palais, elle n'avait pas eu trop de mal : elle seule connaissait la cachette du trésor du défunt souverain, et elle avait pioché dedans sans aucune retenue : la demeure royale avait retrouvé tout son lustre et sa gloire d'antan. Il ne lui manquait qu'une chose : des courtisans, et une Reine toute puissante sur le trône de la salle de cérémonie...

Elle avait construit sa vengeance point par point, établi tous les détails et n'avait rien oublié. Pourtant, en tournant en rond dans sa chambre, elle rageait et tempêtait : seul son palais avait était restauré, et elle ne pouvait plus rien faire pour les vulgaires gens du peuple...qui seraient pourtant les instruments de sa victoire. Aussi se demandait-elle comment elle allait se sortir de ce guêpier. Elle sortit en trombe et descendit aux écuries, sella son cheval blanc préféré et alla se promener dans la forêt.

Ce bois, gigantesques, étaient aussi beaux que mystérieux. Mais la princesse déchue n'en avait cure. Elle avait pensé que la promenade la calmerait, mais elle eut l'effet inverse : se retrouver là, seule au milieu de la nature, en face à face avec elle même, lui re-balançait ses ennuis en pleine figure. C'est alors qu'elle entendit les roues d'un carrosse. Elle se dirigea vers la route et s'arrêta net en voyant les armoiries : celle de Louis ! Les chevaux s'arrêtèrent, et le prince sortit, brâmant de sa voix prétentieuse :

"Je vais me promener dans les environs, j'ai mal au jambes. Toi, ne t'éloigne pas et ne te fais pas descendre par n'importe qui !"

Et il s'éloigna. Le valet, Wilhelm, descendit du carrosse, l'air accablé et tourmenté. Le prince l'avait encore tourmenté cisiblement. Blanche savait que c'était à lui qu'elle devait la vie sauve. Aussi s'approcha-t-elle et lui lana un joyeux :

"Bonjour Will ! Comment vas-tu ?"

Elle allait lui paraître bizarre, ses cheveux noirs offrant un fort contraste avec sa robe et sa peau, blanches comme le lait. Comme un fantôme sorti des bois...

Will baissait la tête, subissant sans un mots les plaintes et les moqueries de son prince. Le carrosse agité de temps en temps de violents soubresauts ne faisait qu'attiser la mauvaise humeur de Ludwig.
Et bien sûr, Will était un parfait punching-ball. Comme d'habitude. Mais cette fois, le jeune savait qu'il méritait son châtiment. En partie seulement, mais cela suffisait amplement à Louis.
Les joues du jeune hommes se teintèrent d'un voile écarlate. En même temps, ce n'était une surprise pour personne que Wilhelm n'était pas à l'aise dans les lieux de perdition. Contrairement au prince.
C'était également connu que Ludwig n'allait pas se déplacer pour aller chercher son manteau en peau de panthère, oublié dans un lit quelconque. Contrairement à Wilhelm.
L'odeur étouffante des effluves de parfum féminin mélangée à la sueur qui imprégnait les lieux l'avait juste mis mal à l'aise... Il avait trébuché. Voilà tout. Sur une jeune femme. Qui devait avoir une petite dizaine d'années mais en semblait le double, le visage caché sous une couche plus qu'abondante de maquillage. Elle l'avait assez mal pris quand il avait refusé ses propositions. Quand on touche, on paye disait-elle.
Alors elle l'avait jeté dehors. A coup de pieds.
Le manteau peau de léopard avait vite suivi. A coup de talons aiguilles. Le manteau n’avait pas apprécié.
Ludwig non plus.

Pourtant, le prince avait bien d'autres manteaux, et ne manquait pas d'argent... Son vêtement était facilement remplaçable, et la chaleur faisait qu'on ne voyait, de toute manière, pas l'utilité d'un tel habits.
Mais Wilhelm avait l'habitude à force.

Will observa ensuite son maître demander... pour le moins vivement au cocher de stopper le carrosse, et sortir en trombe, sans l'attendre.
Le valet soupira, et suivi son maître, se demandant combien de temps il aurait à attendre... De toute manière, il savait qu'il n'avait nul besoin de s'inquiéter pour lui... Après tout, Ludwig lui semblait presque... immortel, dans sa naïveté intacte d'enfant.

Le jeune homme fit quelques pas, perdus dans ses pensées, lorsqu'une voix douce et féminine l'interpella.
Sursautant, il rougit d'entendre une femme l'appeler ainsi par son surnom, et le tutoyer de surcroit. Will leva les yeux, et sa bouche se figea dans un hoquet de surprise en reconnaissant la princesse.

"Oh... Bonjour princesse.... Je vais bien...et vous, comment vous portez vous?"

Le valet bougeait nerveusement. Il n'avait jamais dit à Ludwig ce qu'il avait fait pour Blanche Neige... Oh, bien sûr il en avait l'intention.... Mais comment aligner trois mots avec cet orgueilleux de Louis?
Par contre, si le prince revenait maintenant, il aurait un sérieux problème... Il ne savait pas vraiment ce que la princesse avait fait, mais avait bien compris que c'était suffisamment grave pour que le prince laisse ainsi ce bonnet D... enfin, ce joli visage dans les flammes.

"Que... que faîtes vous ici princesse?"

Il se gratta la tête, légèrement perplexe... Après tout, cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu de nouvelles de Blanche qu'il commençait sérieusement à se demander ce qu'il lui était arrivé.

"Enfin, si ce n'est pas trop indiscret"